Communiqué du Comité permanent du Conseil général du pouvoir judiciaire

Concernant la résolution 2381 (2021) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Auteur
Comunicación Poder Judicial

La Commission permanente du Conseil général du pouvoir judiciaire a approuvé à l'unanimité l'accord suivant lors de sa réunion ordinaire d'aujourd'hui: 

« La Commission permanente du Conseil général du pouvoir judiciaire, en relation avec la résolution approuvée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe le 21 juin dernier, qui formule certaines recommandations aux autorités turques et espagnoles, dans le cadre de l'analyse de la liberté d'expression des responsables politiques dans l'exercice de leur mandat, tient à préciser ce qui suit: 

  1. En ce qui concerne notre pays, l'Assemblée reconnaît que l'Espagne est une démocratie vivante, avec une culture de débats publics libres et ouverts, et que la simple expression de points de vue pro-indépendance ne donne pas lieu à des poursuites pénales. Il est également noté que l'Assemblée respecte pleinement l'ordre constitutionnel de l'Espagne. 
  1. En dépit de cette reconnaissance et en contradiction flagrante avec elle, les déclarations suivantes sont faites:

« Cependant, plusieurs hauts responsables politiques catalans ont été poursuivis et finalement condamnés à de longues peines de prison pour sédition et d’autres crimes, entre autres pour des déclarations faites dans l’exercice de leur mandat politique, en faveur du référendum anticonstitutionnel sur l'indépendance de la Catalogne en octobre 2017 » (paragraphe 9). 

A cet égard, nous tenons à rappeler que les prévenus de l'affaire spéciale 20907/2017 ont été condamnés à l'issue d'un procès public et avec toutes les garanties procédurales pour des délits de sédition et de détournement de fonds publics, en application du Code pénal adopté en 1995 par le pouvoir législatifs, et que ses promoteurs ont baptisé le « Code pénal de la démocratie ». Les peines n'ont en aucun cas été prononcées pour l'expression d'opinions, comme l'a souligné la Cour suprême dans son arrêt 459/2019 en déclarant que : « Il n'y a pas de sanction pour la diffusion d'opinions ou de doctrines contraires à l'état constitutionnel actuel. Ni pour prôner un dépassement du cadre politique actuel. La liberté des défendeurs, sur ce point, reste intacte. Notre système ne s'identifie pas à ceux qui font de la démocratie militante un de leurs signes d'identité (cfr. SSTC 48/2003, 136/1999, 159/1986). Les mêmes idées défendues par les défendeurs leur ont permis de se présenter aux élections législatives. Ce sont ces idées sécessionnistes qui continuent à donner vie au gouvernement autonome de Catalogne. Sa légitimité n'est pas remise en cause. Ce qui est pénalement reprochable - et nous l'avons déclaré avéré - c'est d'avoir pulvérisé le pacte constitutionnel, et de l'avoir fait en votant des lois au mépris ouvert et obstiné des exigences de la Cour constitutionnelle. Ce qui est sanctionné, en somme, ce n'est pas de donner une opinion ou de défendre une option rupturiste, mais de définir une légalité parallèle au profil constituant et de mobiliser une multitude de citoyens pour s'opposer à l'exécution des décisions légitimes de l'autorité judiciaire, en organisant un référendum déclaré illégal par la Cour constitutionnelle et le Tribunal supérieur de justice de Catalogne, dont le résultat était la condition nécessaire à l'entrée en vigueur de la loi de transition juridique, qui impliquait la rupture définitive avec la structure de l'État »

De la lecture de ce motif de l'arrêt, et d'autres décisions de même teneur, ainsi que des faits déclarés avérés, on peut clairement déduire que les responsables politiques sécessionnistes catalans condamnés ne l'ont été en aucune façon pour leurs idées politiques ni pour la libre expression de ces idées. Ni non plus pour l'exercice légitime du droit de réunion et de manifestation à l'appui de leurs croyances et convictions. 

Le Gouvernement de la Nation a exprimé son opinion dans les mêmes termes, à travers le communiqué de presse publié le 3 juin par le ministère des Affaires étrangères, de l'Union européenne et de la Coopération, dans le sens que le rapport « part d'une approche erronée, à savoir la présomption que les dirigeants politiques indépendantistes ont été poursuivis pour avoir exprimé leurs idées dans l'exercice de leur mandat » et que « ce préjugé contamine l'ensemble du texte, se reflète dans la résolution et dans les recommandations et mérite un reproche général». 

  1. Le paragraphe 9.8 de la résolution indique que « l'Assemblée respecte l’indépendance des tribunaux espagnols appelés à résoudre les appels en cours, tout en respectant le droit de saisir la Cour européenne des droits de l’homme en temps voulu », ajoutant au paragraphe 10.3.7 que ses recommandations devraient être mises en œuvre « conformément aux principes de l’État de droit tels que définis par le Conseil de l’Europe, en tenant dûment compte du principe d’égalité de toutes et tous les citoyen·ne·s devant la loi»
  1. En contradiction ouverte avec ces déclarations, le paragraphe 10.3 de la résolution invite les autorités espagnoles, entre autres, à mettre terme aux procédures pénales d'extradition des responsables politiques catalans vivant à l'étranger, ainsi que les poursuites pénales encore en cours à l'encontre des fonctionnaires de rang inférieur impliqués dans le référendum illégal. 

La Commission permanente déplore qu'au sein du Conseil de l'Europe, dont l'objectif déclaré est, entre autres, la défense, la protection et la promotion de l'Etat de droit, un rapport ait été approuvé qui comprend des recommandations adressées aux juges espagnols pour qu'ils prennent des décisions dans un certain sens en ce qui concerne la poursuite des délits, en ignorant les principes de légalité, de séparation des pouvoirs, d'indépendance judiciaire et d'égalité dans l'application de la loi.